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Les fous rires

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A Lionel (5 juin 1961 - 6 mars 2006) Parfois en rêve tu m'apparais. Nous sommes en gare de Lille où tu m'accueilles. Tu parles peu malgré la somme d'événements dont tu souhaites me parler, ce qu'est ta vie depuis ton départ. Je te raconte les livres de science-fiction, les paysages, les oiseaux, les sourires, la colère de t'avoir perdu, la souffrance de celles qui t'ont aimé. Je radote, je te l'ai déjà dit la fois d'avant. Ce rêve est comme un cauchemar qui se répète sans la peur et la sueur au réveil. Je finirai par comprendre, t'apprivoiser, entendre ce que tu me dis et que ma voix couvre. Je m'attache à des riens, tes cendres au pied du rosier d'un jardin dont j'ai perdu l'adresse, ta photo que je n'ai plus, une autre photo que j'avais barbouillé à l'encre et au feutre il y a trente ans pour te faire ressembler à un alien à antennes. Planète Potiron J'ai des boites à gâteaux pleines de tes lettres. Lorsque

La butte aux frênes

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La butte aux frênes est une image virtuelle composée avec le logiciel Vue Esprit . Je ne sais pas où se situe cette butte. Dans mon imagination. Sur mon disque dur et désormais sur le disque dur d'un serveur web. Bientôt dans Google Images, mon album Picasa ou un truc du même genre. Dans le cache et l'historique de votre navigateur internet. Peut-être sur le disque dur de votre ordinateur. Dans votre mémoire. Dans vos souvenirs. L'un ou l'une d'entre vous a reconnu cet endroit et se rappelle qu'il ou elle habitait tout près. Qui ne s'appelait pas La butte aux frênes mais La butte aux cailles . Il n'y avait pas de cailles mais des mûres dans le chemin en contre-bas. Et puis ce n'était pas une butte, juste un talus. On passait devant pour aller chercher le lait à la ferme ou prendre le bus pour le gros bourg. Qui n'est plus si gros que çà depuis que la fabrique a fermé et que tout le monde a décampé. En ville qu'ils sont tous allés pour t

Palabres

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Je connaissais un arbre autour duquel les hommes avaient construit une salle de cinéma. C'était un lieu à demi-couvert et de sa place l'arbre pouvait suivre les films qui étaient projetés. Il n'aimait pas les films de guerre à cause du vacarme derrière l'écran et de la colère noire qui battait les tempes des spectateurs. Il n'aimait pas les films romantiques auxquels il ne comprenait rien mais il adorait les comédies musicales à cause de la musique entrainante. Cela le changeait de tous ces films où la musique semblait presser de marcher au pas ou de sonner le glas. Mais ce qui faisait frémir ses feuilles, c'était la comédie, le burlesque quand les rires des spectateurs fleurissaient dans la salle et, peu à peu, devenaient comme un nuage, une onde bénéfique, une brise qui agitait ses rameaux d'abord puis ses branches basses et parfois sa cime ! Le lendemain d'une bonne comédie, l'arbre racontait ses émotions aux arbres alentour. Les feuillages brui

Vallée de la Lune

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Il n'y a plus de boîte aux lettres Au 7 bis de la vallée de la Lune. Le facteur est mort assoiffé et perdu dans ce désert de pierres. Seuls les nuages écrivent encore au vieux Juan Qui déchiffre leur chant et le fredonne ensuite aux coyotes. Ce matin, le navajo entend les pierres craquer et tomber. Il ne quitte pas l'abri de peur de rencontrer les esprits de la nuit froide Qui remontent sur la Lune l'aube venue Ou le fantôme du facteur égaré qu'accompagnent les premières lueurs.   Vallée de la Lune